« Le monde d'Hélène Valentin n'a pas d'autre dimension que sa propre révélation… La trace du flux existentiel évoque l'eau et les rêves, et aussi les méditations orientales sur la relativité de l'être, le Tao et les nymphéas, Bachelard et Lao Tseu… J'ai regardé cette peinture en apparence si bien intégrée à son loft new yorkais et je l'ai vue non plus en termes d'abstraction lyrique ou de post painterly abstraction, mais avec mes yeux du dedans… C'est au terme de cette grande lessive des émotions que la lavandière du sentiment réussit à unir le ciel et la terre ! ».
Ces citations sont extraites d'un texte que Pierre Restany a écrit à l'occasion d'une des très rares expositions de l'artiste en France (Musée de Toulon, 1980). Peintre française (1927-2012) née à Nancy, Hélène Valentin a vécu pendant dix ans au Maroc, puis à New York de 1963 à 1989 où elle a régulièrement exposé et où son œuvre a connu, à cette époque, une large reconnaissance.
« Je rêve finalement d'un matériau impermanent, qui se transforme, impossible à retenir. L'eau ? L'eau dont je me sers pour peindre… » (Hélène Valentin, 1980).
Disons-le clairement : nous ne sommes pas toujours très à l'aise avec l'idée de collection, de collectionneur.
Dans notre cas, se présenter comme collectionneurs, c'est endosser un statut un peu impropre : à la fois excessif et réducteur. Car nous sommes avant tout des artistes.
Il se trouve que, depuis le début des années 90, très progressivement, nous avons constitué chacun une collection d'œuvres (de format souvent modeste) qui sont comme des touches ajoutées au spectre de notre commune passion pour l'art. Deux collections donc, bien distinctes : chacun la sienne. Ces deux ensembles, dans leur totalité, ont été déjà montrés (accompagnés de quelques œuvres personnelles) en 2004 à Belfort, à l'invitation de Philippe Cyroulnik, sous le titre choisi par lui : « toi & moi ». C'est ce même titre que nous reprenons aujourd'hui dans une approche complètement différente, puisque nous ne présentons plus qu'un très restreint choix d'œuvres.
Une sélection effectuée par « toi » dans ta collection et par « moi » dans ma collection. La quête d'une substance, le temps d'un accrochage... Sans vouloir contrarier Paul Géraldy, bien-sûr !
Myriam Bucquoit et Bernard Crespin
« Pendant toutes ces nuits d'avril, pendant qu'il arpentait ces rues, tout seul, un gratte-ciel l'a obsédé, un édifice cannelé dressant en l'air ses innombrables fenêtres éclairées, un édifice qui lui tombe dessus du haut d'un ciel balayé par les nuages. » (John Dos Passos, Manhattan Transfer).
Les tableaux récents de Xavier Drong (1971) présentés dans cette exposition semblent avoir été conçus pour se dérober à toute quête du classifiable et de l'identifiable. Ils échappent ainsi, comme les avions dits « furtifs », à toute tentative de « détection » ou de repérage et partagent avec ces engins militaires leur noire géométrie cubisante dont les facettes et les reflets nocturnes suscitent la même inquiétude sourde. Le sentiment d'un mystère qui serait, selon Jankélévitch, celui qui « résulte d'un secret traversé par un pressentiment ». Évoquant à la fois Picasso, Lüpertz et la cyber-imagerie, la peinture de Xavier Drong est âpre et puissante, austère et chargée d'énergie. Incertaine et grave aussi. Une question de survie, peut-être...