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PROSPECTIONS INACTUELLES

Michèle Waquant

du 24 janvier au 4 avril 2015

« J'ai tourné le regard vers un horizon disparu pour y rechercher la première d'entre les femmes artistes à consacrer sa vie et son œuvre aux animaux et aux arbres. Le sentiment de retrouver chez Rosa Bonheur une convergence de sensibilité, un imaginaire d'Amérique aussi, m'a convaincue de resserrer mon propos autour des dernières traces de son destin exceptionnel, oublié. »
C'est ainsi que Michèle Waquant, artiste franco-québécoise, nous parle de la peintre animalière
(1822-1899) – et féministe avant l'heure – dont le souvenir lui a inspiré les travaux présentés dans cette exposition. On y découvre une série de photographies prises dans le musée-atelier de Rosa Bonheur de By à Thomery (Seine-et-Marne), un Orignal rouge réalisé à l'aquarelle et une projection vidéo intitulée
La Route de Nesles qui, bien qu'empreinte de silence, est le véritable point d'orgue de ces « Prospections inactuelles ». Pour en augmenter indéfiniment la durée…

« … J'essaie de renouer un dialogue interrompu par la difficulté à voir ses œuvres, dispersées en Angleterre et aux États-Unis, peu nombreuses dans les musées français et pour la plupart, reléguées dans les réserves. Elle que l'on comparait à Paulus Potter, à Troyon, à Géricault ; en quoi a-t-elle démérité ?
Le réalisme, le naturalisme, qui ont fait sa gloire l'ont-ils desservie à ce point au regard de l'histoire de la peinture ? Elle qui a laissé une œuvre énorme, il n'existe aucun inventaire exhaustif, aucune monographie d'envergure après le catalogue Petit sur le fond d'atelier vendu aux enchères en 1901. Si peu subsiste de cette artiste : de dérisoires reliques conservées à By par des héritiers exemplaires et de trop rares tableaux et dessins peu visibles en France. N'a-t-elle donc laissé à ses biographes, à sa vie romanesque et libre, à sa personnalité anticonformiste que ce seul angle pour retenir encore l'attention? En 1997 j'avais fait le voyage à Bordeaux où le Musée des Beaux-arts lui consacrait une exposition. On avait même fait venir du Metropolitan Museum Le marché aux chevaux, son chef-d'œuvre, un tableau de cinq mètres de longueur, d'une grande puissance, qu'en son temps sa ville natale avait refusé d'acheter. Aucune réédition, ni du trop court catalogue de 1997 - épuisé -, malgré la qualité des textes critiques qu'il contient, ni de sa biographie par Anna Klumpke souvent citée dans des biographies romancées. Sans les féministes états-uniennes, plus personne ne se préoccuperait encore de cette peintre hors du commun. Un assourdissant silence a englouti Rosa Bonheur. Ni son œuvre et la facture qu'elle a développée dans la représentation animalière et dans une pratique constante de la photographie, ni sa vie avec ses deux compagnes, Nathalie Micas et Anna Klumpke, ni la ménagerie extraordinaire qu'elle gardait en semi-liberté, ni son engagement pour la défense des animaux, de la forêt et paradoxalement son goût pour la chasse, ni son projet de vie utopique issu des parti-pris saint-simonniens de son père, ni sa volonté d'indépendance sentimentale et financière uniques, n'ont réussi à perpétuer sa mémoire au-delà de quelques cercles restraints… »
Michèle Waquant, janvier 2015